ACIDITE ET SYSTEMES TAMPONS : Nanoconcentration ?

Publié le par boisvert


 

Notre corps est finement régulé avec l’exemple de la régulation des acides dont un en particulier : l’ion hydrogène, c’est un cation (charge positive). Sa concentration est de l’ordre du nanomole. C’est ce que les physiologistes appellent le « bilan acide » [1]. Peut-on dire que les diètes alcalines, acido-basiques sont des diètes de régulation de nanoconcentration ?

Dans ce bilan acide, on peut inclure la gestion du gaz carbonique (CO2) que nous expirons. Il est étroitement mêlé à celui de l’ion hydrogène. La gestion du CO2 sera simplement évoquée ici.

A / Question d’Échelle de mesure pour l’hydrogÈne

Eh oui, nous sommes dans la nanoconcentration (« nano » terme très en vogue maintenant) pour les ions hydrogènes acides (autrement nommés : protons). C'est-à-dire à 10-9, soit 9 zéro derrière la virgule. Et par rapport à ses congénères dans le sang et les cellules, il est en très petite quantité, il est donc dosé en nanomoles par litre.

En effet, par rapport au sodium (on va dire sel), au chlore, au potassium ou au bicarbonate : leurs échelles sont de 1 million de fois plus grandes que l’ion hydrogène. Ces ions sont dosés en millimoles par litre (10-3.soit 3 zéro derrière la virgule).

Le bicarbonate, le principal tampon (= neutraliseur) de l’acide H+ est « un million » de fois plus concentré que lui dans le sang [1]. On peut dire que nous sommes « millionnaires » en bicarbonate, c’est dans notre sang !! L’organisme veut tellement garder ses « millions » qu’il les régénère par le rein (imaginons Picsou et son coffre à billet !).

b / quelle propriÉtÉ donne cette mesure en nanoconcentration ?

Cette propriété est donnée par la notion d’acide et de base. Rappelons cette notion bien connue :

Un acide (H) est un donneur de protons, c'est-à-dire qu’il enlève de sa structure un ion H+. Cet acide donne l’ion H + à une base (B) qui est négative. Soit la réaction suivante : A H++ B.

Or souvent, on l’oubli : Lorsque l’acide donne son ion H+ et bien nous passons à l’échelle nano pour la régulation de sa concentration, en tous cas pour le sang et les cellules.

Si on interroge monsieur l’acide, il nous dira : « - Moi, monsieur l’acide, j’ai la capacité de donner des ions hydrogènes, attention ce sont de toutes petites particules. Nous sommes en tant qu’acide, différents individus capable de donner des ions hydrogènes en quantité variable selon les conditions du plasma et du sang. Mon cousin l’acide chlorhydrique est capable de donner des ions H+, quelque soient les conditions, il est dit acide fort ».

Le but de cette nanoconcentration d’acide est de permettre à l’organisme de fonctionner correctement (enzymes, protéines, activité des nerfs). Si ce n’est pas fait, l’acidité augmente et l’organisme ne peut pas survivre.

c / Comment l’organisme rÉgule-t-il cette nanoconcentration de H+ ?

Autrement, comme on dit dans les livres : Comment l’organisme régule-t-il son bilan acide ?

Ceci est bien connu des physiologistes et naturopathes :

- par les systèmes tampons de l’organisme dans le sang et la cellule (tels que le bicarbonate, les ions phosphates, l’albumine…).

- par le rein et les poumons qui sont les deux principaux organes éliminateurs d’acides, 25 % et 75 % respectivement.

On pourrait dire que ce sont des régulateurs de nanoconcentration en H+. En plus, c’est très précis, car cette concentration de H+ doit être comprise entre 7,38 et 7,42, c’est ce que l’on nomme le « p H. » Le p H est la concentration d’ion H ou potentiel hydrogène. Et pour que cela soit perturbé, il faut que les systèmes et les organes soient abîmés.

La diète acido-basique ou alcaline pourrait être nommée « diète de non-surcharge des régulateurs de nanoconcentration en H+ ». C’est ce qui fait dire à certaines personnes que les diètes alcalines ne servent à rien puisque l’organisme le fait tous seul. On peut répondre : cette fine physiologie passe par les systèmes tampons pouvant être soulagés par la diète ou autres compléments alcalins.

d / La concentration en acide dans le sang et la cellule

En pratique, on mesure la concentration acide dans le sang (à l’extérieur de la cellule), car c’est plus facile à mesurer par une prise de sang ou piqure dans le doigt. Dans la cellule, c’est plus difficile. On sait que le p H d’une cellule est plus bas (plus acide) que celui du sang.

Rappelons- le p H du sang = 7, 38 – 7,42 et le p H d’une cellule compris entre 7 et 7,10 [1].

Cependant, les deux p H extra-cellulaire et intracellulaire sont liés, car à l’intérieur de la cellule, on « tamponne » aussi les ions H+ produit par le métabolisme cellulaire. Les cellules de notre corps sont capables de tamponner 50 % des acides présents dans celui-ci.

Les autres 50 %, se font dans le sang. Dans ce liquide rouge, nous avons le bicarbonate qui est immédiatement disponible (quelques secondes) pour éviter tout débordement d’acide. Le bicarbonate est un peu le policier des effluves d’acides dans le sang. Nous avons vu qu’il y a un million de fois plus de « policiers » bicarbonate que d’acide.

E / Le lien entre CO2 et bicarbonate

Si on interroge monsieur le policier bicarbonate, il nous dira : « - Moi, monsieur le policier bicarbonate, je me balade dans le sang à forte concentration par rapport aux acides pour pouvoir les attraper plus facilement. Mon délai d’intervention est de l’ordre de plusieurs secondes…Et oui, je suis le flic le plus rapide du monde ! ».

Monsieur le policier bicarbonate, que faites-vous avec le Co2 dans le corps ?

«  - Je le prends en charge également, une partie du Co2 est sous forme de bicarbonate, on peut dire carrément 70 %. Cette transformation de CO2 vers le bicarbonate se passe essentiellement dans les globules rouges qui ont une enzyme spéciale : l’anhydrase carbonique ».

Monsieur le policier bicarbonate se balade dans un « pays ouvert » qu’est le sang, puisque la charge acide pourra être donc éliminée vers l’extérieur par les organes comme le rein (pour le H+) et poumon (pour le gaz Co2).

Au total, les taux de dioxyde de carbone dans le sang et de bicarbonate sont très liés pour équilibrer le p H. Nous avons l’acide carbonique comme trait d’union entre les deux mais nous ne détaillerons pas ce fait dans cet article [2].

F / Que dÉduire ?

Nous avons des systèmes tampons finement régulés qui peuvent fonctionner par compensation pendant des années. Les médecins traitent les acidoses et les alcaloses dans les cas graves à l’hôpital lorsque tous ces systèmes sont déséquilibrés (prise en charge dans les services de réanimation).

Quand les médecins pensent acidité, ils pensent p H du sang entre 7.38 et 7.42, cela se comprend. Alors comment un peu de soupe, des fruits peuvent améliorer la tendance à l’acidose dans de nombreuses maladies chroniques?

Ces diètes réduisent l’apport en acide (protons), ainsi l’organisme gère moins d’acidité avec les systèmes tampons. Celui-ci est d’autant plus soulagé s’il souffre de maladie chronique (comme l’insuffisance rénale, le diabète, ostéoporose).

Dans le cas de l’ostéoporose, si l’organisme n’a pas assez de bicarbonate ; il se sert des ions phosphates présents dans les os pour tamponner l’acidité du sang. Avec le temps, ceci fragilise les os par perte de phosphate et de calcium. Si la personne atteinte de cette affection mange plus alcalin, ses os en seront soulagés.

Il fut un temps où les diètes à tendance végétales ou alcalines furent décriées en raison de l’organisme à réguler tout seul son p H. On sait aujourd’hui que nombre de maladies chroniques sont liées à une charge acide tissulaire chronique (dans les cellules ou entre les cellules) malgré un p H normal dans le sang (car l’organisme fait tout ce qu’il peut pour le rendre normal). Rappelons que l’acidité dans la cellule est difficile à mesurer. De nombreux organes semblent être sous estimés pour accumuler la charge d’acide non éliminable comme le système des fascias (les enveloppes de soutien qui entourent nos organes et muscles). Ici, nous avons parlé essentiellement de l’ion hydrogène éliminable.

g / CONSÉQUENCES PRATIQUES

Les diètes sont nombreuses pour réduire le bilan acide (végétarienne, cétogène etc.). Nous avons aussi des compléments, en premier lieu le bicarbonate de soude bien sûr, mais aussi le citron ou le vinaigre. L’eau riche en bicarbonate est également intéressante comme la Badoit. Jacqueline Lagacé, spécialiste du régime Seignalet, conseille des eaux à plus de 700 mg/l de bicarbonate et riche à 200 mg /l de calcium. Elles sont également protectrices pour les reins [7]. Egalement pour le bicarbonate ; il semble que les patients avec insuffisance rénale se supplémentant en bicarbonate de soude soit plus protégés et voient une diminution de leur déclin rénal ( par diminution de l’acidose métabolique).

Notons toutefois, l’intérêt de prendre du zinc. En effet, cet ion métallique est un constituant important de l’enzyme « anhydrase carbonique » qui transforme le Co2 en bicarbonate ou l’inverse suivant les conditions.

Au point de vue médical, les néphrologues s’intéressent à soulager les reins malades de leurs patients par la diète ; c'est-à-dire de réduire le bilan acide. Voici 6 recommandations médicales récentes (provenant de médecins italiens) pour protéger les reins, l’objectif est d’être pratique pour monsieur « tout le monde » [4]:

Les six conseils sont :

1- Ne pas ajouter de sel en cuisinant ou à table

2- Les aliments à éviter: toutes les charcuteries, saucisses, fromage, produits laitiers et les conserves

3- Remplacer les pâtes et pain par des aliments spéciaux (pâtes et pain) réduits en protéines

4- Un plat de viande, poisson ou œuf est autorisé une fois par jour dans la quantité habituelle

5- 4 à 5 portions/j de fruits et légumes sont recommandées

6- Une à deux fois par semaine le plat de viande, poisson ou œuf doit être remplacé par un plat comportant pâtes et légumes.

Certes, les naturopathes ou autres adeptes de Seignalet pourront rajouter d’autres conseils. Les néphrologues restent d’accord sur le fait qu’un régime riche en protéine animale est délétère pour le rein et augmente la charge acide [5]. Le principe général est de limiter l’apport en protéines (animales) pour protéger la fonction de filtration et diminuer l’apport en acide par celles-ci (ils vont jusqu’à préconiser parfois 0.8 g / kg/ jour de protéines) [6].

Pour les adeptes de Mr. Casasnovas Thierry, une vidéo-conseil a été faite sur les reins avec un jus basé sur les asperges, le persil et des pommes. Voici le lien : https://youtu.be/bjIB0syxfJo

On peut au moins dire que les diètes végétales ou non acides sont des « diètes de non-surcharge des régulateurs de nanoconcentration d’ions H+ » c'est-à-dire des systèmes tampons et organes éliminateurs [3]. L’organisme semble apprécier ces diètes en cas de maladies chroniques.

H / RÉFÉRENCES ET NOTES

[1] Gougoux André, Physiologie des reins et des liquides corporels, éditions multimondes, 2005, page 217, chapitre 10.

[2] Plus précisément, on dit que l’équation qui lie le Co2, l’acide carbonique (H2CO3) et le bicarbonate est dans un système ouvert. Ce qui permet les compensations, c'est-à-dire l’augmentation de la respiration si les bicarbonates baissent ou l’inverse avec augmentation des bicarbonates si le taux de CO2 baisse. Pour les aficionados, l’équation est la suivante : CO2 + H2O H2CO3 HCO3 + H ; cette équation peut aller dans l’autre sens.

[3] Ces systèmes tampons sont parfois appelés « Proton sponges » (= éponges à proton) dans certains livres anglais. Blood Science, Principles and Pathology, A. Blann, N. Ahmed aux éditions John Wiley & Sons, page 307.

[4] Pisani A, et coll. 6-tips diet: a simplified dietary approach in patients with chronic renal disease. A clinical randomized trial. Clin Exp Nephrol. 2016 .

[5] Garneata L et coll. Ketoanalogue-Supplemented Vegetarian Very Low-Protein Diet and CKD Progression. J Am Soc Nephrol. 2016.

[6] Informations provenant du site de néphrologie : http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=5180

[7]

Loi d’action de masse, La réaction se déplace vers le CO2

Lagacé J. Comment j'ai vaincu la douleur et l'inflammation chronique par l'alimentation. Souccar éditions, 2013.

 

Auteur de l’article : Dr. Paulcarl.

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P
Bonjour Fernand,<br /> <br /> J'espère que vous allez bien. Avez vous enfin trouvé votre nouveau logement ?<br /> <br /> Tout comme Sibille, ça me paraît complexe!!!!<br /> Pour l'acidité je prends du lithotamne, du bicarbonate et du citron. <br /> Avec l'âge, c'est un problème qui s'accentue !!!! Peu de fruits sauf bananes le matin, pommes poires et fruits rouges de saison, des légumes cuits ou peu cuits. Peu de viande, de fromages.<br /> Tout une remise en question, ce n'est pas facile mais quand la douleur est là !!!<br /> La marche nordique régulièrement me soulage..<br /> Je vous souhaite un bon week-end. Beau temps dans le Nord!!!!! <br /> Bonne continuation.
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S
Depuis quelques temps, je ne comprends plus rien à ces articles, c est bp trop technique et je ne retiens rien. Comment allez-vous cher Boisvert ?? Je suis inscrite sur un groupe facebook concernant l alimentation AIP et j ai l impression de ne rien pouvoir manger, tout est à proscrire, très frustrant donc pas constructif. Il me semble que vous en êtes au paleo vous-même. Bon 1er mai à tous !
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B
Bonjour Sibille, <br /> Oui je suis au paléo depuis déjà quelques années et je suis en pleine forme à plus de 80 ans, jamais malade, des randonnées de plus de 20kms et de près de 1000m de dénivelé, donc, avec le paléo on est très bien et je n'ai pas changé d'un iota dans mes convictions, c'est actuellement la meilleure alimentation pour tous les jours. Non seulement c'est très facile à suivre mais ça n'est pas du tout restrictif, je me permets d'aller au restaurant, de temps en temps. j'ai supprimé toutes les céréales et tous les laitages, et franchement cela devient une habitude relativement facile à prendre, et à suivre. Bon courage Sibille !
T
bravo vous avez découvert l'action des bases et acide faible des système tampon. Et non l'ion H+ n'est pas un proton, c'est un atome hydrogène qui a perdue un électron et il y a un neutro, et non H+ n'existe pas comme tel, c'est H3O+...et il est tellement réctif qu'effectivement il réagie imédiatement et n'est pratiquement jamais présent. Bravo pour essayer de comprendre un des système de base de la vie sur terre a savoir le système tampon, carbonate, bicarbonate, acide carbonique, dioxyde de carbone.... la mer, les squellette de coraux et mollusque, les montagne calcaire, la chau vive, la carbonatation de la chau aérienne, ect. La vie sur terre serait juste impossible... et nous allons droit face au mure avec la monté de dioxyde de carbonne. a force de vouloire simplifier, ou vouloire faire croire qu'on a compris, ou vouloir en mettre plein la vue pour vendre des théorie fumeuse, tous cela devient fort inexacte et frauduleux. frauduleux car derrière c'est bien la vente de produit inutile qui se cache derrière ces bones intentions.
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D
Bonjour Tistou, merci pour ce rappel sur H3O+ et de votre retour.<br /> Le mot proton est souvent employé comme raccourci pour dénommé autrement l'ion hydrogène. <br /> La chimie organique n'est pas simple, beaucoup d'états transitoires et de molécules intermédiaires. N'hésitez pas à faire part de vos connaissances et expériences en matière de système tampon ou sujet en relation. Cordialement.