LES CHRONIQUES DU LYME N°1 Lyme et sa « bactérie » : la jongleuse de métaux.

Publié le par boisvert

Auteur de l’article : Dr Paulcarl, médecin généraliste.

Bonjour, cher lecteur de ce blog. Aujourd’hui, nous allons entamer un cycle Lyme pour plusieurs semaines avec des aspects méconnus sur cette maladie : l’homéostasie des ions métalliques.

Avant de commencer, je vous conseille de lire le lexique et de vous y référer au fur et à mesure si vous êtes perdus.

Merci, encore à M. Joubert pour cette possibilité de publication, qui certainement, a son mot à dire sur les thermothérapies.

 

LEXIQUE DE COMPREHENSION AVANT D’ABORDER L’ARTICLE :

- BmtA. = Borrelia metal transporter A, une protéine membranaire qui permet le transport des ions (ici le manganèse).

- BosR =Borrelia Oxidative Stress Regulator est un facteur de virulence car il va produire des protéines de surface « toxique » pour l’hôte (Protéine OspC). BosR est aussi un métallo-régulateur transcriptionnel, impliqué dans l’homéostasie du cuivre.

- BicA = Borrelia iron and copper-binding protein A. est une protéine à moitié ferritine et métallothionéine.C’est la partie métallothionéine qui chélate le cuivre MONOvalent. Le monovalent est plus toxique que le divalent (Cu2+) (voir article Dupont, Metallomics. 2011 Nov)

- Les peptides anti-microbiens sont souvent de courtes molécules de 12 à 100 acides aminés chargés positivement (cationiques). De façon intéressante, la micropulsine synthétisée par la tique est curieusement un peptide microbien chargé négativement.

INTRODUCTION :

Borrelia burgdorferi (B.b) est la bactérie en cause dans la maladie de Lyme, elle est transmise par les tiques aux humains. Sa particularité : elle n’a pas besoin de fer pour son métabolisme. Elle a besoin de 3 ions métalliques essentiels pour sa survie et sa virulence (= son agressivité): le zinc (Zn2+), le cuivre (Cu2+) et le manganèse (Mn2+).

Dans cet article, nous nous inspirons des travaux des équipes de recherche (Troxell, Wang, Fernanda D. Silva). Ils nous permettrons d’explorer la piste des ions-métalliques comme cible thérapeutique.

Borrelia burgdorferi, la jongleuse de métaux

Lorsqu’elle passe dans les différents hôtes (tiques, cerfs, humains, rongeurs), elle doit s’adapter aux divers milieux intérieurs (sang, tube digestif de la tique) et trouver sa nourriture. Elle a besoin d’ions métalliques pour son équilibre biologique qu’elle doit rechercher dans le sang de l’hôte. Or ces différents ions métalliques sont à des concentrations diverses (lorsqu’elle passe dans la tique, ou lorsque la tique prend son repas sanguin par exemple), ce qui fait qu’elle doit s’adapter et jongler entre les différents milieux.

Ses besoins en ions métalliques

LE MANGANESE

La plupart des bactéries utilisent du fer pour survivre. Ce n’est pas le cas de B.b car grâce à son métabolisme spécifique ; B.b n’a pas besoin de fer (ou très peu) pour sa survie. Elle possède un transporteur le BmtA qui permet d’absorber cet ion. Elle utilise le manganèse pour son MECANISME DE DEFENSE ANTI-OXYDATIF, pour la synthèse d’autres protéines et pour activer des enzymes.

Paradoxalement, le manganèse est utilisé pour inhiber indirectement un de ses facteurs de virulence le BosR. Le zinc au contraire, active le BosR.

Pourquoi le manganèse inhibe indirectement le BosR ? Il le fait au travers du métabolisme du cuivre (explication plus bas).

Pourquoi a-t-elle besoin de manganèse ?

Lorsque la tique suce le sang chaud, il y a donc montée de température de celle-ci. B.b doit s’adapter à cette élévation thermique : elle a besoin de manganèse pour cette adaptation.

Nous avons ici, une clé de compréhension pour une cible thérapeutique potentielle contre la maladie de Lyme. En effet, la bactérie contient de l’oxygène dissout dans son organisme. Lors d’un changement de température, cet oxygène peut se transformer en radical libre toxique. Pour s’opposer à cet « effet toxique » de la montée de température, B.b active une enzyme anti-oxydante (la S.O.D = superoxyde dismutase) qui a un besoin crucial de manganèse.

AU FINAL : B.b a besoin de manganèse pour s’adapter à l’élévation de température dans le corps de la tique ou de son hôte.

LE ZINC

Le zinc est nécessaire pour sa survie et son métabolisme (réactions métaboliques pour le sucre, glycolyse). C’est aussi un « cofacteur » impliqué dans sa virulence (agit avec le BosR).

AU FINAL : L’importance du zinc est soulignée par le fait que l’hôte possède un métabolisme de chélation du zinc pour se défendre contre les bactéries. C’est l’exemple de la calprotectine présente dans les polynucléaires chez l’hôte humain. C’est une protéine qui chélate aussi le manganèse [2].

LE CUIVRE

La bactérie possède une protéine chélatrice (la BicA) qui est impliquée dans son transport et son équilibre dans son organisme. Le cuivre est utilisé pour son métabolisme d’oxydo-réduction. Il ne semble pas stocké car elle se detoxifie en cuivre. Un milieu riche en cuivre et en fer rend cette bactérie plus sensible au stress oxydant donc plus fragile. Très récemment (2017) [4], l’équipe de Peng Wang a montré l’importance du facteur de régulation nommé BosR dans l’homéostasie du cuivre dans le spirochète Borrelia. Il semble même avoir un lien avec la BicA car celle-ci capte du cuivre monovalent. Puis à la suite de réaction d’oxydation dans sa structure protéique, le cuivre devient divalent (Cu2+). BosR est sensible au Cu2+ et contrôle également son homéostasie. Le cuivre divalent inhibe le BosR est semble être une adaptation de la bactérie à un milieu riche en cuivre.

AU FINAL : Le cuivre, un ion oxydant que la bactérie doit gérer sous deux formes : monovalente et divalente. Son homéostasie est aussi liée à celle du manganèse.

Comment gère-t-elle ces ions ?

Comment « bougent » ces ions métalliques dans la bactérie ? Une question intéressante pour envisager des cibles thérapeutiques contre la bactérie.

LE MANGANESE

Le taux de manganèse est variable selon la température à l’intérieur de B.b. L’expression du transporteur BmtA est augmenté pour des températures supérieures à 25 °C ; le taux peut fluctuer jusqu’à 20 fois.

LE ZINC

Le taux de zinc est constant à l’intérieur de B.b. Un milieu riche en zinc augmente le taux intracellulaire dans la bactérie. Cette augmentation augmente l’expression de son facteur de virulence (le BosR). Le zinc paradoxalement s’oppose aux effets du manganèse (celui-ci diminue l’expression de BosR).

LE CUIVRE

Le cuivre doit avoir un rôle non négligeable dans la virulence et la survie de B.b dans le corps de la tique ainsi que chez l’hôte mammifère.

Non négligeable pour 2 raisons :

La première raison est intuitive car nous observons que la tique fabrique son propre chélateur de cuivre, la micropulsine. C’est un peptide antimicrobien qui régule le taux des bactéries (dépendante ou sensible au cuivre) dans le corps de la tique. Cette micropulsine invite à considérer le métabolisme du cuivre comme important. Elle chélate également le fer lors du repas sanguin (qui est riche en fer à cause de l’hémoglobine).

La deuxième raison est physiologique : la bactérie B.b est sensible au cuivre, et pour cela elle synthétise une protéine (la BicA) qui le chélate. Ceci lui permet de lier cet ion et d’éviter les dégâts d’oxydations causé par celui-ci. Et comme dit plus haut, l’inhibition de BosR par le cuivre semble être une adaptation de la bactérie en milieu riche en cet ion

d’après les travaux de l’équipe américaine de Wang P [4]. BosR est un métallorégulateur du cuivre : c’est une « protéine » qui « surveille » le taux de stress oxydant dans la bactérie par l’intermédiaire du cuivre circulant.

Déduction de pistes de soins possibles pour le Lyme

LA PISTE DU MANGANESE

Des équipes de Californie travaillent sur cette piste comme celle du Dr Jayakumar, voir référence 5.

LA PISTE DU CUIVRE

Des équipes Brésilienne de Sao Paulo du Dr Fernanda Dias Da Silva travaillent sur la micropulsine de la tique.

A l’image de la tique, le cuivre pourrait être une cible pour se soigner du « Lyme » ou une co-infection. C'est-à-dire envisager l’utilisation d’un chélateur du cuivre puisque la tique en use. Nous ne connaissons pas bien le métabolisme du cuivre dans B.b, ni si la micropulsine peut l’influencer « in vivo » pour diminuer sa croissance.

Il reste que l’apport de cuivre dans les infections bactériennes est reconnu grâce à divers mécanismes que nous expliciterons dans un prochain article. De plus certaines équipes pensent à complémenter en cuivre, le patient qui prend un traitement antibiotique pour déstabiliser la bactérie.

Au final : la tique au cours de son évolution s’intéresse au cuivre, ne devrions-nous pas nous y pencher aussi ?

Trouver un chélateur Micropulsine-like pour les co-infections ? A l’inverse, l’apport de cuivre semble déstabiliser la bactérie B.b.

LE CHELATEUR OU COMPLEMENT IDEAL ?

D’après ces données, on imagine qu’il chélatera le manganèse. Il sera surtout effectif lors d’une élévation thermique en provoquant un environnement déficient en manganèse (et riche en cuivre ?). Il existe des chélateurs de métaux divalents, y en a-t-il de spécifique à chaque ion ?

Le complément de cuivre sera antibactérien et dépassera les défenses anti-oxydatives bactérienne. On pourra associer la vitamine C qui augmente l’absorption du cuivre [7].

UTILISATION D’UN DIFFERENTIEL DE TEMPERATURE

Ce chélateur ou complément sera utilisé avant ou au cours d’un différentiel de température pour « tromper » la bactérie. Celle-ci aura besoin de nutriment pour survivre (manganèse etc.). Faudrait-il utiliser une« thermothérapie » avec des chélateurs ? Un apport en cuivre ? La suite dans un prochain article !!

Avertissement médico-légal

Cet article ne remplace pas les traitements officiels (antibiotiques), mais est une source d’inspiration pour ceux qui n’ont plus de recours dans leur Lyme chronique. Allez voir votre médecin.

REFERENCES

[1] Troxell et coll. Metal-dependent gene regulation in the causative agent of Lyme disease.

Front Cell Infect Microbiol. 2013 Nov

[2] Lusitani et coll. Calprotectin,an abundant cytosolic protein from human polymorphonuclear leukocytes, inhibits the growth of Borrelia burgdorferi. Infect. Immun.

[3] Wang et coll. A novel iron- and copper-binding protein in the Lyme disease spirochaete. Molecular Microbiology (2012)

[4] Wang et coll. BosR Is A Novel Fur Family Member Responsive to Copper and Regulating Copper Homeostasis in Borrelia. J Bacteriol. 2017.

[5] Rajadas et coll. Borreliacidal activity of Borrelia metal transporter A binding small molecules by manganese transport inhibition. DRUG DESIGN DEVELOPMENT AND THERAPY J. 2015.

[6] D. Silva et coll. Structure and Mode of Action of Microplusin, a Copper II-chelating Antimicrobial Peptide from the Cattle Tick Rhipicephalus microplus. THE JOURNAL OF BIOLOGICAL CHEMISTRY VOL. 284, 50, pp. 34735–34746, December 2009

[7] Karlíčková et coll. Isoflavones Reduce Copper with Minimal Impact on Iron In Vitro,” Oxidative Medicine and Cellular Longevity, 2015.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Si vous avez la maladie de Lyme, essayez le zappeur dont parle Michel Dogna. Pour moi, très bon résultat<br /> Bien à vous
Répondre
P
Bonjour Madame Ao,<br /> <br /> Le Lyme est un sujet difficile, je suis médecin généraliste. De plus, dans cet article, je n’ai parlé que de Borrélia et pas des autres bactéries.<br /> <br /> On a retrouvé des niveaux de cuivre élevé chez les patients Lyme (voir les travaux de l’équipe américaine de Xin Li, et Peng w en 2012, sur la protéine BicA. C’est pourquoi certaines équipes pensent à complémenter en cuivre (hypothèse non encore mise en pratique par les thérapeutes officiels).<br /> <br /> Il y a des bactéries sensibles au cuivre et d’autres non à priori. Depuis des siècles, le cuivre est considéré comme anti-infectieux et maintenant des hôpitaux investissent dans des surfaces en cuivre.<br /> <br /> Votre taux élevé de cuivre est peut être normal, réaction physiologique du corps, c’est pourquoi certains chercheurs travaillent à faire des complexes de cuivre associés à des antibiotiques.<br /> <br /> Tout à fait d’accord avec vous pour le fer, sachez que je le lis comme vous. L’organisme séquestre le fer à l’abri des « bactéries » pour ne pas leur donner à « bouffer ». C’est ce que l’on appelle l’immunité nutritionnelle. L’hôte humain, fait de même avec la calprotectine qui est également capable de séquestrer le manganèse.<br /> <br /> Je parle de la tique (nous ne sommes pas des tiques), pour envisager une réflexion. Cet article a pour but de faire une réflexion. <br /> Le métabolisme du manganèse chez Borrelia est très lié au cuivre d’après les études très récentes. Je l’expliquerai dans de prochains articles. Une chose est sûre, elle doit gérer le métabolisme du cuivre auxquelles, elle est sensible. La tique utilise un chélateur de cuivre sans doute pour gérer d’autres bactéries qui ont besoin de cuivre. La micropulsine chélateur du cuivre chez la tique n’est pas opérationnel semble-t-il chez borrelia.<br /> Merci Madame Ao pour la référence. Dr Paulcarl.
Répondre
A
hé bien me voici stupéfaite car mes niveaux de cuivre sont tels que je suis intoxiquée et que je suis obligée de faire une chélation au DMSA ! or j'ai bien BB + B garinii + bartonella et babesia <br /> il y a quelque chose qui n'est pas clair dans votre article<br /> avant on croyait que borrelia se nourrissait de fer depuis quelques années on sait que c'est le manganèse pas le fer et jamais il n'a été question de cuivre<br /> <br /> je cite : Du manganèse pour la tique, à la place du fer Pourquoi une telle stratégie ? Chez les êtres vivants, le fer est un élément indispensable, car il intervient dans la fabrication des protéines. Profitant de cette nécessité, notre système immunitaire a développé un mécanisme qui, en cas d'infection, organise une carence en fer : une hormone du foie, l’hepcidine, empêche l’entrée de ce métal dans la circulation sanguine. Selon Valeria Culotta, directrice de ces travaux, « c’est l’une des raisons pour lesquelles nous nous sentons très faibles lorsque nous sommes malades. Cette stratégie permet de limiter l’accès des pathogènes au fer, et d’empêcher leur développement et leur survie. » Au cours de cette étude, l’équipe américaine a montré comment la bactérie responsable de la maladie de Lyme déjoue cette stratégie : en utilisant le manganèse et non le fer pour fabriquer ses protéines. Ainsi, contrairement aux autres pathogènes, Borrelia burgdorferi peut parfaitement se développer dans un environnement pauvre en fer. Cette bactérie échappe ainsi à ce mécanisme de défense par restriction de l’accès à cet élément. <br /> The unique properties of B. burgdorferi SodA may represent adaptation to expression in the manganese-rich and iron-poor environment of the spirochete. PMID 23376276 [PubMed - in process] PMCID PMC3605662 [Available on 2014/3/22]<br /> puis on a découvert que non , qu'elle se nourrissait de manganèse
Répondre
P
Bonjour Madame Ao,<br /> Je vous ai répondu par le post au-dessus.<br /> Vous devriez également lire l'article précédent sur alzheimer et manganèse. Cela pourrait vous donner d'autres pistes.<br /> Cordialement.