LES CHRONIQUES DU LYME N°5
STRUCTURE DE LA MICROPLUSINE ET DEDUCTIONS THERAPEUTIQUES
A/ INTRODUCTION
Cette chronique est la suite de la précédente ; ici nous précisons la structure de la microplusine. Elle va nous permettre de découvrir sa richesse en histidine et cystéine, deux acides aminés intimement liés pour sa fonction de chélation du cuivre. En effet, pour gérer les microbes de son corps, la tique gère également le cuivre d’après l’article du microbiologiste Troxell en 2013 [1]. Les thérapeutes connaissent de longue date, que le cuivre est un anti-infectieux car il a des propriétés oxydantes toxiques contre les bactéries.
B/ PRESENTATION DE LA MICROPLUSINE
Le groupe de recherche Brésilien de parasitologie de Sao Paulo du Dr. Fernanda D. Silva a isolé plusieurs peptides antimicrobiens (PAMs) chez la tique dont la microplusine (dans l’espèce nommée Rhipicephalus Boophilus microplus) [2], [9].
Ce groupe a retrouvé plusieurs caractéristiques pour la microplusine:
- C’est un peptide qui a montré des actions contre les bactéries gram positive (alors que Borrelia est gram négative).
- Il semble faire partie d’un groupe homogène de peptides qui ont des structures proches, notamment par leurs richesses en histidine et cystéine (= concept d’homologie de structure) [3].
- Sa structure est composée de 3 ponts disulfures constitués de 6 cystéines et au moins 7 résidus d’histidine (voir schéma).
C/ LE ROLE DE L’HISTIDINE DANS LA MICROPLUSINE
L’attention des chercheurs est également portée sur le fait que les 7 résidus d’histidine lui donnent la propriété de chélater le cuivre et le fer de façon préférentielle d’après les tests de laboratoire.
Egalement par rapport à l’histidine, des études scientifiques de plus en plus nombreuses montrent que les P.A.Ms riches en résidus histidine sont capables de complexer les ions métalliques tels que le cuivre [4], le nickel, le zinc et le fer. (Il faudrait donc consulter le catalogue des compléments alimentaires riche en histidine et voir leurs effets reconnus ou liés avec ceux du cuivre).
E/ LE ROLE DE LA CYSTEINE DANS LA MICROPLUSINE
Une des séquences d’acides aminés les plus conservées dans les différentes microplusines-like est la conservation de la présence de 6 résidus de cystéines (voir schéma).
Ces 6 résidus de cystéines permettent deux fonctions :
1 - de former des ponts entre les hélices d’acides aminés pour la stabilité et la forme de la structure du peptide. Ces ponts nommés « ponts disulfure » sont un peu comme une « ossature du peptide » [5].
2 - de conférer des propriétés antibactériennes à la microplusine par sa structure en trois dimensions.
D/ LE ROLE DE LA MICROPLUSINE CHEZ LES BORRELIES
D’après l’article de Troxell de 2013 [1], nous ne connaissons pas bien le métabolisme du cuivre dans la bactérie Borrelia Burgdorferi. Dans son corps, elle possède une protéine chélatrice (la BicA) [6]. Elle est impliquée dans le transport et la détoxification du cuivre. Celui-ci est utilisé pour son métabolisme d’oxydo-réduction. Cependant, des avancées sur la connaissance du métabolisme du cuivre chez borrelia ont été faites ces dernières années avec l’équipe américaine de Peng W qui a
sorti un « papier » en juillet 2017 sur les rapports du manganèse, du cuivre, de la protéine BicA et du métallorégulateur BosR [8].
On ne sait pas si « in vivo », la microplusine influe fortement sur cette physiologie en rendant pauvre le milieu en ion métallique cuivre. Il y a donc encore des inconnues. On sait qu’un milieu riche en fer et cuivre fragilise les borrélies, c’est pour cela qu’elles ont besoin de protéines chélatrices du fer et du cuivre (comme BicA) ou de « senseurs » du cuivre comme BosR. On sait également que la microplusine empêche la croissance des autres bactéries par chélation du cuivre. La chélation du cuivre dans la tique par la microplusine et la bactérie Borrelia par la BicA font partie des mécanismes de détoxification contre l’oxydation de cet ion cuivre. La forme divalente (Cu2+) pour la microplusine et la forme monovalente (Cu+) pour la BicA.
E/ CONCLUSION
Pour les chercheurs Brésiliens, la microplusine (ou molécules similaires) en tant qu’agent thérapeutique de chélation est une piste thérapeutique contre les bactéries et champignons (pour ceux utilisant du cuivre pour leurs enzymes). La piste générale de la chélation des ions métalliques est connue et elle est cours d’exploration (exemple de la calprotectine).
Que déduire de cela ? Aurions-nous intérêt à prendre des compléments alimentaires à base de cystéine et d’histidine pour lutter contre Lyme ou les co-infestations ? L’intérêt est de prendre soit des chélateurs spécifiques d’ions, ou non spécifiques d’ions divalents (divalents = deux charges positives, 2 +).
Comme pour les patients Lyme, la tique doit gérer « son bouillon » de culture de microbes. Et tous non pas la même sensibilité aux ions métalliques. Nous savons que borrelia est fragilisée dans un milieu riche en fer et cuivre, aurions-nous intérêt au contraire à prendre du cuivre ne serait-ce que transitoirement pour lutter contre elle spécifiquement ? En effet, beaucoup d’organismes utilisent du cuivre pour lutter contre l’infection (au contraire de la chélation).
Les chercheurs ont retrouvé un taux élevé de cuivre dans le sang chez certains patients « Lyme » et un apport diététique de cuivre pourrait améliorer l’efficacité de l’antibiothérapie dans les arthrites infectieuses de ces derniers [7]. Cependant, d’après un de nos lecteurs, des patients Lyme sont obligés de faire une chélation au DMSA pour baisser le taux de cuivre (trop élevé et qui peut engendrer des dégâts oxydatifs important).
Dans la littérature scientifique, il existe déjà des chélateurs de cuivre. Comment savoir s’ils seront bien disponibles dans l’organisme et efficace ? Car les mesures « in vitro » de chélation ne sont pas les mêmes que « in vivo ».
La tique utilise donc un chélateur du cuivre pour gérer ses microbes ; je pose donc la question à nos amis lecteurs pour savoir s’ils ont une expérience à ce sujet (thérapeutes ou malades) ? C’est-à dire la chélation du cuivre ou l’apport de cuivre dans un contexte infectieux.
Les peptides antibactériens sont nombreux et de différentes sortes. Dans la tique, les chercheurs ont isolé plusieurs peptides ; ils agissent en synergie comme pour d’autres organismes. Cette synergie est encore mal comprise [10]. La microplusine, BicA et BosR : trois pièces d’un puzzle peu connu mis en avant par quelques équipes de chercheurs que nous explorerons. La microplusine est un peptide peu connu, isolé dans l’espèce Rhipicephalus Boophilus microplus. On peut penser raisonnablement qu’ils existent d’autres types de ce peptide dans d’autres variétés de tiques. Peut-être des lecteurs avertis (infectiologues …) lisant ces lignes en savent plus ?-A vos commentaires.
AUTEUR DE L’ARTICLE : Dr Carlpaul.
F/ REFERENCES ET NOTES COMPLEMENTAIRES
[1] Troxell B et coll. Metal-dependent gene regulation in the causative agent of Lyme disease. Front Cell Infect Microbiol. 2013 Nov.
[2] Fernanda D. Silva et coll Structure and Mode of Action of Microplusin, a Copper II-chelating Antimicrobial Peptide from the Cattle Tick Rhipicephalus (Boophilus) microplus. The Journal of biological chemistry, vol. 284, N° 50, December 11, 2009
[3] L’homologie de structure est de 61 % entre microplusine et un peptide « cousin » l’Hebraein. Il existe une parfaite correspondance avec 6 résidus de cystéines et des résidus en histidine dans leurs compositions.
[4] Le cuivre à l’état divalent (deux charges positives – Cu2+) préfère les donneurs de nitrogène comme l’histidine, les donneurs d’oxygène (aspartate, glutamate). D’après Hordyjewska A et coll. The many « faces » of copper in medecine and treatment, Biometals, 2014
[5] Les ponts disulfures par leurs liaisons covalentes entre des cystéines d’une même chaîne d’acides aminés ou d’une autre chaîne, sont les liens les plus stables de la structure tertiaire et quaternaire des protéines ou peptides.
[6] BicA = Borrelia iron and copper-binding protein A. est une protéine à moitié ferritine et métallothionéine.C’est la partie métallothionéine qui chélate le cuivre MONOvalent. Le monovalent est plus toxique que le divalent (Cu2+) (voir article Dupont, Metallomics. 2011 Nov)
[7] Peng Wang et coll. A novel iron- and copper-binding protein in the Lyme disease spirochaete. Molecular Microbiology (2012).
[8] BosR =Borrelia Oxidative Stress Regulator est un facteur de virulence car il va produire des protéines de surface « toxique » pour l’hôte (Protéine OspC). BosR est aussi un métallo-régulateur transcriptionnel, impliqué dans l’homéostasie du cuivre.
[9] Les peptides anti-microbiens (PAMs) = sont souvent de courtes molécules de 12 à 100 acides aminés chargés positivement (cationiques) ou négativement (anioniques).
[10] Joazeiro A.C. et coll. Antimicrobial Peptides in Rhipicephalus (Boophilus) microplus. Acta Scientiae Veterinariae, 2012. 40 (4): 1066.