CHRONIQUE DU LYME N°10 : Borrelia, une bactérie sans noyau

Publié le par boisvert

Bonjour, pour cette chronique, une évidence : une bactérie est un procaryote. Sans vous vouloir faire de fixation obsessionnelle, nous poursuivons sur les ions métalliques (encore des surprises !). Nous ferons un petit détour vers la médecine traditionnelle soudanaise à cause de ces derniers ! Merci encore à Mr. Joubert pour cette tribune.

A / BORRELIA BURGDORFERI, UNE BACTERIE SANS NOYAU

… et son implication dans la régulation des ions métalliques…

C’est une évidence pour les microbiologistes, les procaryotes sont une classe d’êtres vivants sans noyau, microscopiques, unicellulaires à la différence des êtres vivants nommés eucaryotes [1].

Borrelia burgdorferi (= B.b) n’échappe pas à cette règle, c’est une bactérie sans noyau. Le fait qu’il n’y a pas de noyau, implique une série de protéines régulatrices accédant « DIRECTEMENT » à l’A.D.N, c'est-à-dire accéder aux gènes de la bactérie. C’est notamment le cas pour la régulation cellulaire des ions métalliques [2] et des protéines métallo-régulatrices (= protéines qui régulent les ions métalliques). Cet accès à l’ADN se fait par liaison, c’est pourquoi les protéines métallo-régulatrices font partie d’une classe de protéines dites « liant l’ADN » (voir schéma joint).

B / LA PROTÉINE « B.O.S.R » DE BORRELIA

Ces protéines sensibles aux ions métalliques sont également multifonctionnelles, car elles ont un rôle dans d’autres métabolismes (autres que les ions métalliques). Le développement de ces protéines régulatrices liant l’A.D.N est un succès physiologique considérable, car elles se retrouvent constamment dans toutes les bactéries. Cette constance physiologique est un point d’appui pour une réflexion thérapeutique.

Dans cet article, nous avons l’exemple de la famille de la protéine Fur, une métallo-régulatrice globale, qui se retrouve dans toutes les bactéries (gram négatives et positives) [3, 4]. Une protéine de type Fur se retrouve chez B.b sous le nom « barbare » de B.o.s.R [5] qui est sensible au cuivre, au manganèse et au zinc. Elle est sensible à 3 ions métalliques !

C/ LE « NOYAU » DE LA RÉGULATION, C’EST QU’IL N’Y A PAS DE NOYAU !

1. LE CAS DES IONS METALLIQUES

Comme pour toutes les bactéries, B.b utilise des ions métalliques pour son métabolisme (cofacteurs) et la structure de ses protéines (le cuivre, le manganèse, le zinc…). D’ailleurs, une de ces spécificités est d’utiliser du manganèse préférentiellement au lieu du fer comme dans beaucoup de bactéries (voir nos précédentes chroniques). Le rôle structural peut être souligné par le zinc, qui agit en coordonnant deux parties d’une protéine (c’est le cas pour notre fameuse « B.o.s.R » avec le zinc).

2. REGULATION DES IONS METALLIQUES

Les ions métalliques sont finement régulés dans la cellule bactérienne, car ils peuvent être toxiques. Pour ceci, la bactérie emploie plusieurs outils protecteurs (expulsion des ions hors de la cellule, chélation par des protéines, stockage…). Le problème : ils baignent dans le corps de la bactérie et sont possiblement en contact avec l’A.D.N.

3. LE POINT COMMUN A CES REGULATIONS

Chez les procaryotes, êtres vivants sans noyaux, la régulation de ses outils protecteurs contre la toxicité des ions se fait au niveau de l’A.D.N par des protéines liant l’A.D.N. Ces dernières sont sensibles aux ions métalliques baignant dans une cellule sans noyau. Elles font office de protection.

Comme il n’y a pas de noyau ! La bactérie peut le faire directement ! Comme disent les scientifiques, la régulation se fait au niveau « transcriptionnel ». Ces protéines liant l’A.D.N vont agir spécifiquement sur des gènes fonctionnels soit en les réprimant (off) ou en les activant (on) [6]. Ces gènes font office d’interrupteur.

Au total : les protéines liant l’A.D.N (comme B.o.s.R) vont appuyer sur l’interrupteur de la cellule bactérienne. C'est-à-dire sur les gènes fonctionnels de l’A.D.N.

D/ QUE DEDUIRE ?

Les ions métalliques sont nécessaires à la vie, même à l’état de trace, dans une bactérie ou chez un être humain. Tous les organismes comme les Borrelies doivent gérer soit une insuffisance d’ions, soit un excès d’ions qui sont deux situations préjudiciables. L’homéostasie des ions est finement régulée comme on l’a vu ici avec des protéines sensibles aux ions (les protéines liant l’ADN par exemple, mais voir aussi nos autres chroniques).

De ces deux situations extrêmes (surcharge ou insuffisance d’ions) découle une réflexion à visée thérapeutique : Produire un manque d’ions ou un excès pour terrasser les bactéries ou les Borrelies.

1. PRODUIRE UN MANQUE D’IONS :

Le manque d’ions, les scientifiques appellent ceci « l’immunité nutritionnelle » [7], car elle découle également d’un processus physiologique. L’organisme capte des ions pour empêcher les bactéries de nuire. C’est le cas de la calprotectine des polynucléaires qui capte le zinc lors d’un abcès infectieux ou inhibe la croissance de Borrelia in vitro [8]. Les Borrelies ont également besoin de manganèse pour lutter contre l’oxydation, lors d’une montée de température [9]. Il y a donc des chercheurs qui sont sur la piste pour « attaquer l’estomac » de la bactérie (c'est-à-dire ce qu’elle consomme comme ions). Nous retrouvons ceci également dans les diètes, ou dans les produits chélateurs en vente dans le commerce (comme l’EDTA).

2. PRODUIRE UN EXCES D’IONS :

Pour l’excès d’ions, le but est de dépasser les capacités d’adaptation de la bactérie, nous retrouvons ceci pour l’ion métallique cuivre, bien que pour l’instant il s’agisse plus d’un sujet de discussion à propos de Lyme (voir les articles de Peng Wang et coll. [10, 11] à propos de la protéine BicA chélatrice du cuivre de Borrelia et de la protéine de type Fur (BosR) responsable de l’homéostasie du cuivre). En effet, le cuivre déstabilise les Borrelies, mais en raison de son effet pro-oxydant, les chercheurs restent prudents. Néanmoins, dans les médecines anciennes (Egypte, Soudan), le cuivre est d’utilisation courante pour lutter contre les spirochètes (sous forme de sulfate de cuivre, substance nommée : Tutia Khadra) [12, 13]. Peut-être faudrait-il l’utiliser à certains moments et pas tout le temps ? A juste raison, les nutritionnistes actuels conseillent peu ou pas les compléments à base de cuivre. Ce dernier est impliqué dans une réaction chimique dite de « Fenton » produisant des radicaux libres toxiques pour les cellules.

Ces ions métalliques ont un effet direct sur le métabolisme et la survie de la bactérie, d’autant plus direct car elle n’a pas de noyau. Ils sont très reliés entre eux, étudier ces ions en laboratoire est difficile mais fascinant. Le noyau (la clef) de la régulation, c’est qu’il n’y a pas de noyau chez les procaryotes et notamment dans la bactérie de Lyme ! A tel point qu’il existe un motif A.D.N, très primitif ou ancien, nommé H.T.H, sur lequel agissent les métallo-régulateur [6], mais ceci est une autre histoire…

E/ RÉFÉRENCES ET NOTES COMPLÉMENTAIRES

[1] Nous pouvons également rajouter sans organites (c'est-à-dire des structures intracellulaires spécialisées type mitochondries, appareil de golgi). Notre propos est de rester synthétique pour attirer l’attention d’un accès direct à l’ADN, ce n’est pas une découverte mais une mise en relief.

[2] Les ions métalliques les plus fréquent (dans les bactéries) sont le fer, le manganèse, le cuivre, le zinc.

[3] Fur = Ferric uptake regulator = régulateur de la consommation de fer.

[4] Ludovic Pecqueur. Etude du rôle du zinc et des cystéines dans la dimérisation de la protéine FUR (Ferric Uptake Regulator) d’E.coli : une approche structurale par RMN. Université Joseph Fourrier, thèse présentée le 14 décembre 2005.

[5] BosR = Borrelia Oxydative Stress Regulator.

[6] Nous verrons dans un prochain article, que l’un des points communs aux metallo-régulateurs est un motif protéique de base nommé : H.T.H (helix-turn-helix) qui permet la liaison entre la protéine et l’ADN. Il est très ancien, car il était déjà présent avant l’époque de la « Grande Oxydation » selon les thèses évolutionnistes. Il permet de comprendre que c’est aussi un mécanisme primitif de base de régulation. Voir les articles de Dupont CL, Grass G, Rensing C. Copper toxicity and the origin of bacterial resistance--new insights and applications. Metallomics. 2011 Nov

[7] Kehl-Fie TE, Skaar EP. Nutritional immunity beyond iron: a role for manganese and zinc. Current opinion in chemical biology. 2010

[8] Denise Lusitani et coll. Calprotectin, an Abundant Cytosolic Protein from Human Polymorphonuclear Leukocytes, Inhibits the Growth of Borrelia burgdorferi. INFECTION AND IMMUNITY, Aug. 2003, p. 4711–4716.

[9] Troxell B et coll. Manganese and Zinc Regulate Virulence Determinants in Borrelia burgdorferi. Blanke SR, ed. Infection and Immunity. 2013.

[10] Wang P.et coll. A novel iron- and copper-binding protein in the Lyme disease spirochaete. Molecular Microbiology (2012).

[11] Wang P, Yu Z, Santangelo TJ, Olesik J, Wang Y, Heldwein E, Li X. BosR Is ANovel Fur Family Member Responsive to Copper and Regulating Copper Homeostasis in Borrelia burgdorferi. J Bacteriol. 2017 Jul.

[12] La médecine traditionnelle Soudanaise utilise une substance riche en cuivre : la « Tutia Khadra » qui est du sulfate de cuivre originaire d’Egypte, pour traiter la syphilis (dont la bactérie est un spirochète comme Borrelia). Voir l’ouvrage du Dr Ahmad Al Safi : « Traditional Sudanese medecine », 1ère édition, p 363. Par contre, le sulfate de cuivre est disponible dans les drogueries, il est toxique à l’ingestion. Il faudrait se renseigner pour savoir comment les Soudanais l’utilisent. Nous ne le conseillons pas pour l’instant. Il est néanmoins utilisé dans certains médicaments (voir ci-dessous).

[13] Du sulfate du cuivre dans la composition des multivitamines U.P.S.A !! Dans la crème anti-irritative Dalibour Cooper, dans la crème dermocuivre.

Dr Paulcarl.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Bonjour Fernand <br /> Quel bonheur d'avoir de tes nouvelles J'espère que tu as à nouveau entamé une mélodie à deux voix...Tu vois ce que je veux dire...lol<br /> Merci pour tous ces conseils prodigieux<br /> Je profite pour te donner des nouvelles des jumelles qui ont maintenant 5 ans Tout se passe bien pour elles et elles sont juste un peu plus menues que les fillettes de leur âge<br /> Je te fais un big bisou<br /> A bientôt<br /> Roro
Répondre
C
Bravo joli blog !
Répondre
B
Merci !
M
Super, ça fait plaisir d'avoir d'aussi bonnes nouvelles. Je vois que tu continues d'aller de l'avant, je suis ravie pour toi. <br /> Moi je reste chez moi à la campagne au milieu des chants d'oiseaux, de la verdure et des fleurs (et des fruits ... Et des légumes, miam) avec le chat. Je peux continuer de marcher à reculons, et puis pour marcher "normalement" j'ai la forêt à côté.<br /> Continue de rajeunir comme ça, alors.
Répondre
B
C'est super de marcher à reculons pour aller de l'avant, ce doit être un facteur de rajeunissement. LOL
M
Bonjour Fernand,<br /> J'espère que tu passes de très bonnes vacances<br /> A bientôt
Répondre
B
Bonjour MarieL,<br /> Oui je passe de très bonnes vacances. Beaucoup de randos, de camping, même de bivouac, j'espère que toi aussi, il faut profiter pour se ressourcer, se reconstruire pour moi, mais franchement le passé est loin, je suis résolument tourné vers l'avenir. Il y a des encouragements, par exemple une dame que je voyais pour la première fois et à qui mes amis ont demandé quel âge j'avais a répondu "je pense 65ans" c'est revigorant moi qui en ait 80, donc tout va bien. Merci de ton post et bonnes vacances à toi aussi.