David Servan-Schreiber et David Khayat : revue des différences Posté le 28/05/2010 par Christophe Envoyer par mail Mot-clés: Anticancer Le livre de David Khayat, intitulé « le vrai régime anti-cancer », se présente comme un contrepoint à « Anticancer », de David Servan-Schreiber. Un positionnement marketing efficace, largement repris par les médias. Mais dans le fond quelles sont les différences ? Revue de détail. Les recommandations où les livres de David Servan-Schreiber et David Khayat sont d’accord David Servan-Schreiber et David Khayat sont d’accord sur de nombreux points. Tout d’abord, ils soulignent tous deux que l’alimentation a un rôle très important à jouer dans la prise en charge et la prévention du cancer. Ils mettent aussi en avant les vertus des certains aliments spécifiques, en particulier : - Les fruits et légumes. Les deux auteurs insistent sur le fait que si les légumes en général sont bons pour la santé, tous les légumes ne sont pas égaux vis à vis du cancer. Il faut rechercher ceux qui contiennent le plus de composés Anticancer. (voir ce blog de David Servan-Schreiber) - Certains nutriments : la curcumine du curcuma, la génistéine du soja, les polyphénols du thé vert et du vin rouge, les composés présent dans les baies de goji, les composés soufrés de l’ail et des oignons. Les deux auteurs s’accordent également à recommander l’exercice physique régulier, afin d’éviter le surpoids et l’obésité, facteurs de risques majeurs. Notre conseil : Privilégiez les fruits et les légumes dans votre assiette. Utilisez les épices comme le curcuma (avec une pincée de poivre pour qu’il soit mieux assimilé) mais aussi les herbes aromatiques (thym, romarin, origan, etc.). Consommez du vin rouge en petite quantité (un à deux verres par jour maximum.) Les signaux d’alarmes où David Servan-Schreiber et David Khayat se retrouvent David Servan-Schreiber et David Khayat soulignent tous les deux l’importance de la pollution sur les fruits et les légumes, dans l’eau de boisson, et dans les poissons gras situés en haut de la chaine alimentaire. Notre conseil : privilégiez les cultures bio, moins chargées en pesticides. Mais si vous n’avez pas accès au bio, ne rejetez pas les fruits et légumes sous prétexte qu’ils sont porteurs de pesticides. Ils sont excellents pour votre santé. Soyez exigeants sur l’eau que vous buvez : regardez les résultats d’analyse de votre lieu de vie, si la pollution le nécessite, filtrez votre eau ou choisissez des eaux en bouteille de qualité. Pour limiter les risques liés à la pollution marine, privilégiez les petits poissons gras comme les sardines, les anchois entiers ou le maquereau, qui sont aussi bon marché. Les deux livres mettent également à l’index les chips et les fritures, qui contiennent des composés cancérigènes. Et ils insistent pour ne jamais porter les huiles de cuisson jusqu’au point de fumée. De manière générale, ils disent tous deux que l’internationalisation des comportements alimentaires sur un mode industriel fortement influencé par les habitudes de consommation américaines est un désastre pour la santé. Là où les livres de David Servan-Schreiber et David Khayat différent En revanche, certaines différences apparaissent à la lecture des deux ouvrages. Les oméga-3 A propos des oméga-3, David Khayat affirme qu’il n’existe aucune preuve « suffisamment convaincante pour être mentionnée » que les oméga-3 protègent contre le cancer chez l’homme. Le problème de cette affirmation, c’est que l’auteur demande de la croire sans présenter ces études « insuffisamment convaincantes ». Alors qu’à les lire, elles ont au contraire bien des arguments. Une des études les plus connues est celle qui concerne 63 257 personnes de Singapour, publiée dans le British Journal of Cancer. Les chercheurs concluaient : « Les apports élevés en omégas-3 issus de la consommation de poisson et de fruits de mer sont associés significativement avec une réduction du risque de cancer du sein. Par rapport aux personnes avec les apports les plus bas, la réduction est de 26%. ». Cette étude montre également l’effet négatif d’apports élevés en omégas-6. Elle est largement citée depuis sa publication en 2003. Rappelons quelques études plus récentes : Dans une étude publiée le 14 avril 2010 sur le site du American Journal of Epidemiology, les chercheurs ont étudié le lien entre consommation d'acide gras omega 3 et risque de cancer du colon. Pour le groupe dont la consommation était maximale, le risque de cancer était diminué de moitié par rapport à ceux qui en consommaient le moins. De leur côté, les chercheurs du National Institute of Environmental Health Sciences de l’Université de Caroline du Nord ont examiné une population de plus de 1 800 personnes pendant 5 ans avant de conclure que le groupe caractérisé par la plus forte consommation d’Oméga 3 avait eu 40% de risques en moins de développer un cancer colorectal. Les omégas-3 semblent même protéger les générations suivantes chez la souris : une alimentation renforcée en huile de poisson est associée à une diminution des risques de tumeurs mammaires dans la descendance femelle. En outre, le cancérologue français Philippe Bougnoux et son équipe de l’université de Tours ont trouvé dans une étude publiée en 2010 que l’apport d’oméga-3 au cours d’une chimiothérapie particulière pour le cancer du sein métastatique avait doublé la survie des patientes (voir ce blog de David Servan-Schreiber) Notre conseil : Les oméga-3 sont très probablement protecteurs contre le cancer et aussi contre les maladies cardiaques ou la maladie d’Alzheimer. Pour limiter les risques liés aux pollutions de la chaîne alimentaire (métaux lourds, dioxines, PCBs), privilégiez les petits poissons gras comme les sardines, anchois ou le maquereau, qui sont en plus bon marché. La vitamine D David Khayat affirme qu’il lui est « impossible de croire » que plus de 50% de la population française est carencée en vitamine D. Il fait appel au « bon sens » pour remettre en question les chiffres qui circulent. Les faits sont portant têtus : d’après l'étude SUVIMAX, menée sur 1569 adultes (35-65 ans) français en bonne santé de 20 villes de France, 75% des sujets avaient un niveau sérique de 25(OH)D < 31 ng/mL, ce qui correspond à une insuffisance de vitamine D. De plus, 14% de la population présentait une véritable carence en vitamine D, avec des taux de 25(OH)D inférieurs à 12 ng/mL. En février 2010, David Servan-Schreiber avec plus de 40 scientifiques internationaux lançait un appel pour sensibiliser les pouvoirs publics et les médecins au déficit en vitamine D et son importance dans la prévention et le traitement des cancers. Rappelons une des études qui justifiait cet appel : une méta-analyse sur la vitamine D et le cancer du sein (2) montre que les femmes ayant des taux sériques de vitamine D suffisants (38 ng/mL) avaient un risque réduit de 58% de cancer du sein par rapport à celles ayant de faibles taux (15 ng/mL). Cette étude mettait aussi en évidence un effet de dose-réponse : plus les taux de vitamine D étaient élevés, plus le risque de cancer du sein était faible. Cette même étude montre une diminution de 55% du risque du cancer colorectal pour les personnes ayant des taux satisfaisants de vitamine D (38 ng/mL) par rapport à celles qui avaient des taux bas (15ng/mL), avec le même effet de dose-réponse. Notre conseil : consommez des aliments riches en vitamine D, exposez vous modérément au soleil du printemps à l’automne (en évitant toujours les coups de soleil), et, à l’approche de l’hiver, demandez à votre médecin de vérifier que vous n’êtes pas carencé afin de déterminer si vous devez prendre un supplément. Le rôle du sucre Comme David Servan-Schreiber, David Khayat rappelle la chaine métabolique qui lie apport en sucre alimentaire, production d’insuline et IGF-1 et augmentation de l’inflammation et de la croissance des tumeurs cancéreuses.Mais David Khayat affirme cependant que les études chez l’homme ne montrent pas que la consommation de sucres raffinés est liée à un risque augmenté de cancer. Pourtant, deux études récentes (2009 et 2010) confirment bien un lien proportionnel entre la quantité d’aliments « à charge glycémique élevée » (sucre, mais aussi farines blanches) et le risque de développer certains types de cancers du sein [1]. Une autre équipe Suédoise a examiné, elle, six larges cohortes européennes différentes et trouvé que des taux de sucre dans le sang plus élevés étaient associés à plusieurs types de cancers différents, et, de façon générale, à une plus grande mortalité par cancer. Ces associations étaient plus marquées chez les femmes que chez les hommes. [2] De la même façon, une analyse de la grande étude Women Health Initiative, publiée dans le Journal of the National Cancer Institute aux Etats-Unis a conclut en 2009 que le lien connu depuis longtemps entre obésité et un plus grand risque de cancer du sein pouvait être expliqué par le lien entre une alimentation trop chargée en glucides, les pics d’insuline et d’IGF-1 qui s’en suivent, et le plus grand risque de cancer. [3]De plus, jamais nos organismes n’ont été soumis à de telles charges de sucre que celles qui nous sont imposées par l’alimentation dite « occidentale » au cours des dernières années (entre 37,5 et 70 kg de sucre raffiné par personne et par an en France, en Belgique, en Suisse et au Canada depuis le début des années 2000). Ceci est à comparer à une moyenne de 5 kg par personne et par an au début du 19e siècle en occident. [4] Il est parfaitement établi scientifiquement que cette charge exorbitante de sucre est responsable de l’épidémie actuelle de diabète de type II, et contribue au développement des maladies cardiaques, comme de plusieurs maladies dégénératives associées au vieillissement. Notre conseil : Toute réduction de vos apports en sucres ou farines blanches ne pourra faire que du bien à votre santé et a toutes les chances de réduire votre risque de développer plusieurs types de cancers. Repérez les teneurs en sucres dans votre alimentation et choisissez vos produits pour diminuer l’apport total en sucre. Evitez de consommer du sucre a jeun (par exemple de la confiture au petit déjeuner) car il provoque un pic d’insuline qui peut avoir des effets très négatifs. La viande rouge David Khayat n’accorde pas de crédit aux études sur le lien positif entre cancer du colon et la viande rouge et les charcuteries, au motif que celles qui montrent ce lien sont souvent américaines, et reflètent un style de vie très différent et une qualité de viande qui n’est pas comparable avec celle qui est consommée en France. Notre conseil : Dans les années 60 et 70, certains affirmaient que les cigarettes françaises ne pouvaient pas être comparées aux américaines, qu’elles contenaient moins d’adjuvants, que le papier maïs des Gitanes avait même peut-être un effet protecteur. Cette hypothèse s’est révélée fausse. Il est hasardeux de s’en remettre à une « spécificité française ». Même si nous préférerions tous le croire, ne peut pas affirmer aujourd’hui que les viandes et charcuteries de notre terroir ne sont pas concernées par les mises en gardes du World Cancer Research Fund, qui suggère de diminuer notre consommation de viande et plus encore de charcuterie David Servan-Schreiber souligne toutefois que les produits animaux issus d’élevage de terroir où les animaux sont nourris de façon traditionnelle (où les vaches mangent de l’herbe, et les poules se nourrissent en liberté) sont beaucoup plus équilibrés en oméga-3 et contiennent moins (ou pas du tout) de résidus d’antibiotiques ou autres substances chimiques qui ne devraient pas en faire partie. Points soulignés par David Khayat Dans son ouvrage David Khayat aborde des points que David Servan-Schreiber ne développe pas. Il donne des recommandations sur certains compléments alimentaires en prévention du cancer, notamment le sélénium et le calcium. Notre conseil : Les aliments riches en composants Anticancer sont toujours préférables aux compléments car ils sont validés par l’histoire : un gigantesque essai clinique réalisé sur les générations qui nous ont précédées. Les compléments peuvent être dosés de façon très différente et avoir des effets inconnus. David Khayat déconseille le jus d’orange à certaines personnes, au motif que les psoralènes de l’orange seraient l’une des causes de l’augmentation des mélanomes. Il recommande la quercétine, qu’on trouve dans les pommes et les oignons. Il insiste beaucoup sur la question de la préparation des aliments : éviter la cuisson à haute température, manger la viande pas trop cuite, et la vider de son sang comme dans les traditions religieuses juives et musulmanes. Notre conseil : ce sont des conseils intéressants, tirés d’études récentes. Toutefois, se priver totalement d’agrumes semble peu justifié au regard de leurs vertus antioxydantes. Points soulignés par David Servan-Schreiber En ce qui concerne l’alimentation, David Servan-Schreiber attire également l’attention sur les champignons et les algues, stimulants du système immunitaire, ainsi que sur les fruits rouges et la menthe, le thym, le romarin, la marjolaine, l’origan, le basilic, le persil, le céleri, le gingembre, etc. Il montre également l’intérêt s’associer ces aliments. Le livre « Anticancer » de David Servan-Schreiber donne une clé de lecture du cancer qui permet à chacun de redevenir acteur de sa santé : le cancer est un déséquilibre entre les différentes défenses naturelles (dont le système immunitaire), normalement capables de défendre le corps naturellement, et les agressions des cellules cancéreuses, toujours présentes chez chacun d’entre nous. A la base de ce déséquilibre, le style de vie occidental, pro-inflammatoire, dont la nocivité augment continuellement depuis la seconde guerre mondiale. Les facteurs de risque se situent au plus profond de notre civilisation moderne : nourriture des animaux, production alimentaire industrielle, utilisation de produits polluants dans les cultures. Mais nous pouvons agir sur beaucoup de ces facteurs et mettre plus de chances de notre côté pour mieux éviter la maladie et la combattre. David Servan-Schreiber propose d’un nouveau style de vie qui allie la recommandation de faire de l’activité physique, de détoxifier son environnement, de mieux exprimer ses émotions et de soigner le lien entre le corps et l’esprit. Il montre l’importance de libérer ses émotions étouffées, celles qui proviennent du passé et celles qui apparaissent avec le diagnostic, liées à la peur de mourir, la peur de perdre ses proches ou de les abandonner. Il propose de se détacher du sentiment d’impuissance et de soigner le lien entre le corps et l’esprit par des techniques de centrage qui s’appuient sur le souffle : méditation et cohérence cardiaque. Il présente ces informations comme un chemin de vie, tiré de son expérience intime de la maladie et de ses connaissances de médecin et de scientifique. Sources : 1. Larsson, S.C., L. Bergkvist, and A. Wolk, Glycemic load, glycemic index and breast cancer risk in a prospective cohort of Swedish women. Int J Cancer, 2009. 125: p. 153-157. 2. Stocks, T., et al., Blood Glucose and Risk of Incident and Fatal Cancer in the Metabolic Syndrome and Cancer Project (Me-Can): Analysis of Six Prospective Cohorts. PLoS Med, 2009. 6(12): p. e1000201. 3. Gunter, M.J., et al., Insulin, Insulin-Like Growth Factor-I, and Risk of Breast Cancer in Postmenopausal Women. Journal of the National Cancer Institute, 2009. 101: p. 48-60. 4. Cordain, L., et al., Origins and evolution of the Western diet: health implications for the 21st century. American Journal of Clinical Nutrirtion, 2005. 81(2): p. 341-354. |