Polémique SOJA
Florian KAPLAR a écrit cet article concernant le soja qui a provoqué chez nous de belles polémiques. Il est très interessant, à vous de juger.
Pris sur son site : http://naturo-passion.com/le-point-sur-le-soja/
Le point sur le soja
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Alors même que l’Agence de sécurité nationale sanitaire (ANSES) vient de réaffirmer dans un avis publié le 5 février 2013 que les boissons végétales telles que le « lait » de soja étaient impropres à l’alimentation des nourrissons (sans toutefois préciser que le lait de vache est encore moins adapté), il m’a semblé important de faire le point sur le soja, qui déchaîne les passions, de façon plutôt irrationnelle.
Les Asiatiques, notamment les Chinois et les Japonais, consomment quotidiennement du soja, que ce soit sous forme fermentée (miso, natto, tempeh) ou non (tofu, tonyu) et on ne peut pas dire qu’ils sont en moins bonne santé que les Occidentaux, c’est même plutôt le contraire. Si l’on regarde les habitants de la fameuse île d’Okinawa qui ont la plus grande longévité au monde, ils consomment encore plus de soja que leurs concitoyens (le double).
C’est curieusement lorsque le soja est arrivé dans nos assiettes occidentales que les premières études contre cet aliment consommé sans aucun problème sanitaire en Asie sont sorties. Cette défiance vis-à-vis du soja nous est d’abord venue du Royaume-Uni où une équipe de chercheurs, en 1995, avait calculé qu’un bébé nourri au soja consommait, rapporté à son poids, 3 à 5 fois la dose capable de perturber le cycle menstruel d’une femme. Puis le lobbying anti-soja s’est développé aux Etats-Unis, notamment grâce à la Weston A. Price Foundation (dont la vice présidente Kaayla T. DANIEL a publié » The Whole Soy Stroy », non encore édité en France) et Joseph Mercola.
En France, c’est depuis la publication en mars 2005 d’un rapport de 440 pages de l’ANSES (ex AFSSA)[1] mettant en garde contre la consommation de phyto-oestrogènes (contenues notamment dans le soja), que les consommateurs ont pu, par crainte, se détourner de cet aliment, faute de disposer d’informations concordantes sur son innocuité.
La graine de soja jaune contient 35 à 40% de protéines d’excellente qualité avec les 8 acides aminés essentiels. Les lipides (18 à 20%) sont de bonne qualité avec 60% d’acides gras polyinsaturés dont 8% d’oméga 3. Les glucides (32 à 35%) sont composés d’amidon et d’un peu de saccharose. On retrouve ensuite des fibres non assimilables et une bonne teneur en minéraux et vitamines : vitamines du groupe B, vitamine E, magnésium, fer, phosphore, potassium, zinc et cuivre.
Les principaux composants du soja supposés litigieux sont :
- les isoflavones
- les phytates
- les facteurs antitrypsiques
Les isoflavones font partie de la famille des phytoestrogènes, des substances végétales proches des hormones féminines (estrogènes) qui ne constituent pas des hormones bien qu’elles agissent sur certains récepteurs hormonaux du corps, d’où la polémique induite par l’équipe anglaise citée ci-dessus. Il faut signaler qu’on trouve aussi des isoflavones dans le thé, les céréales, les légumes, les fruits, etc. Des études ont aussi montré a contrario que les isoflavones pouvaient être à l’origine de la plus faible fréquence des maladies cardiovasculaires en Chine et au Japon du fait de la consommation de protéines de soja dans ces pays (environ 50 g par jour).
Les phytates sont des facteurs diminuant l’absorption intestinale des minéraux.
Les facteurs antitrypsiques ou antinutritionnels sont des facteurs inhibant la digestion des protéines.
C’est à partir de ces éléments que les détracteurs du soja ont construit leur argumentaire, tout en véhiculant des erreurs ou en interprétant abusivement des études scientifiques dont il faut rappeler qu’aucune à ce stade n’a démontré la moindre nocivité du soja sur l’être humain. Même l’ANSES dans son rapport de 2005 cité précédemment a écarté toute responsabilité du soja dans le cancer de la thyroïde ou l’hyperthyroïdie.
Il est à noter que les processus de fermentation neutralisent les phytates et les facteurs antitrypsiques. Ces derniers sont également détruits par la cuisson à haute température.
Le toxicologue, le Pr Jean-François NARBONNE a par ailleurs estimé que les experts français avaient exagéré les dangers du soja [2]. De même, voici ce que dit le Dr canadien Carol VASHON, docteur en physiologie médicale, consultant en nutrition, pourtant pro lait de vache, au sujet des approximations ou généralisations abusives de la WAPF : « Cet article contre le soja [NDR : rédigé par Sally Fallon, présidente de la Weston A. Price Foundation et de sa vice-présidente, Mary G. Enig et paru dans Nexus en avril-mai 2000] fait partie de leur campagne visant à contrer une certaine « démonisation » de la viande. Mais pourquoi toujours taper sur l’autre? » [3]
Alors certes, le soja envahit la nourriture industrielle sous forme de protéines végétales texturées ou hydrolysées, lécithine, glutamate monosodique, etc. Et du fait que les fèves de soja auraient le taux le plus élevé en glutamate de tout le règne végétal, le Dr américain Russel BLAYLOCK signale dans une interview en 2006, qu’une étude sur une durée de 25 ans a permis d’observer que les personnes qui avaient consommé le plus de soja étaient celles qui souffraient le plus de démence et d’atrophies du cerveau, rien que ça ! Il enfonce le clou en disant qu’il faut éviter les produits au soja comme si c’était du poison [4]. Sauf que l’ étude citée n’a fait l’objet d’aucune publication dans une revue scientifique. Et je ne pense pas avoir besoin de dire que les Asiatiques qui eux consomment du soja quotidiennement depuis des millénaires ont une santé physique et mentale bien meilleure que celles des Américains… [5] Tout cela pour dire que le soja déclenche des polémiques que je qualifie d’irrationnelles voire stériles.
- Les produits alimentaires à base de soja qui contiennent des isaflavones (lait de soja, tofu, thé vert, arachides) peuvent contribuer à faire baisser la tension artérielle. Réunion annuelle American College of Cardiology, 25 mars 2012[6]
- La protéine de soja peut réduire de façon significative l’accumulation de graisse et de triglycérides dans le foie des personnes obèses. Etude de l’University of Illinois College of Agricultural, présentée à l’Expérimental Biology meeting 2012, 22 avril 2012[7]
- Une alimentation riche en soja peut atténuer les effets induits par l’exposition au bisphénol A comme l’anxiété. Etude de la North State University, publiée dans la revue PLOS One le 5 septembre 2012 [8]
- Le soja révèle des protéines anti-cancéreuses. Il s’agit de la première étude à montrer que certaines protéines du soja sont capables d’inhiber la croissance des cellules cancéreuses des cancers du côlon (73%) , du foie (70%) et du poumon (68%). Etude conduite par 3 équipes de l’université de l’Arkansas, publiée dans la revue Food Research International de février 2013 [9]
- Les isoflavones du soja prolongent la survie en cas de cancer du poumon. Cette étude portant sur 80.000 femmes chinoises atteintes d’un cancer du poumon a montré que les patientes aux apports alimentaires les plus élevés en soja (110 g/j) avaient une nette meilleure survie globale à 12 mois (60%) par rapport à celles à plus faible consommation (50 g/j) (50%). Etude publiée dans le Journal of Clinical Oncology le 25 mars 2013[10]
C’est donc une « pluie » d’études récentes toutes concordantes sur les bienfaits du soja qui vient contredire de façon percutante les délires des détracteurs du soja (puberté précoce chez les petites filles, féminisation des petits garçons, hyperthyroïdie, etc.).
Bien entendu, comme pour tout aliment, il n’est pas préconisé de consommer du soja à tout va, mais il est en tout cas rassurant pour les personnes qui appréciaient d’en consommer et qui avaient stoppé leur consommation de savoir qu’elles peuvent consommer du soja, comme le font quotidiennement des millions de personnes dans le monde, en toute sécurité.
Nous pouvons signaler également Hervé Berbille chercheur français qui a eu l’honneur de publier une étude qu’il a conduite avec son équipe dans la revue Food Research International de juillet 2010 montrant un potentiel effet inhibiteur des isoflavones dans la maladie d’Alzheimer [11]. Il est l’un des meilleurs experts français sur le sujet.
On peut consommer du soja sans craindre pour sa santé, en le choisissant de préférence bio, donc sans OGM.
Et l’on peut parfaitement acheter des produits issus de soja français et soutenir ainsi sa culture. Couvrant 50.000 hectares, principalement dans le Sud-Ouest, elle présente un intérêt pour les agriculteurs pour la rotation des cultures (reconstitution de l’azote).
Le soja constitue une excellente alternative à la viande, et se cuisine très facilement, je vous donnerai prochainement une recette de gratin de tofu au beurre de cacahuète absolument exquise, les enfants en ont raffolé.
Florian KAPLAR
Références :
[1] http://www.afssa.fr/Documents/NUT-Ra-Phytoestrogenes.pdf
[2] http://www.lanutrition.fr/communaute/opinions/interviews/jean-francois-narbonne-les-experts-francais-ont-exagere-les-dangers-du-soja.html
[3] http://www.mangersantebio.org/973/le-soja-y-a-t-il-un-revers-a-la-medaille
[4] http://www.santeendanger.net/dossiers_interviewBlaylock.html
[5] http://www.jydionne.com/les-americains-sont-bons-premiers/
[6] http://www.cardiosource.org/News-Media/Media-Center/News-Releases/2012/03/Soybeans_BP.aspx
[7] http://www.eurekalert.org/pub_releases/2012-04/uoic-uoi042012.php
[8] http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0043890
[9] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0963996912004322
[10] http://jco.ascopubs.org/content/early/2013/03/21/JCO.2012.43.0942.abstract?sid=5fd83915-510a-4d39-a1ce-aa944a64ccd6
[11] Soy isoflavones as potential inhibitors of Alzheimer ß-amyloid fibril aggregation in vitro http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0963996910002620
Pour aller plus loin :
- http://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/aliments/le-soja/
- http://www.passeportsante.net/fr/Solutions/PlantesSupplements/Fiche.aspx?doc=isoflavones_ps
- http://www.sante-vivante.fr/IMG/pdf/SV-SOJA.pdf